Près de 400 000. C’était leur nombre. On les appelait les tirailleurs africains ou « sénégalais » en référence à leur lieu de regroupement avant qu’ils s’embarquent pour combattre le nazisme. Des dizaines de milliers d’entre eux ont péri pour avoir servi comme chair à canon de première ligne du front, lors de la deuxième guerre mondiale. Parmi ceux qui ont survécu, beaucoup d’entre eux sont conscrits de force pour combattre dans les guerres de libération nationale. Dès 1919 et en réponse à la 1re guerre mondiale, un décret rendait déjà obligatoire le service militaire dans toute l’Afrique noire française. Très peu sont ceux qui ont pu s’y échapper. Il n’y a pratiquement pas de lignage en Afrique noire francophone où on n’a pas entendu parler de cette histoire transmise de père en fils sur ces « anciens combattants ». En plus de combattre les forces hitlériennes, certains ont refait la guerre d’Indochine, d’autres, l’Algérie, dans des confrontations desquelles, ils n’y ont été que des outils au service de l’empire. Ils constituaient une grande majorité de la population mobilisable africaine de l’époque: les « nègres/indigènes au front » lirait-on jadis dans les journaux. Leur nombre était tel qu’à la fin de la 2e guerre mondiale et malgré les lourdes pertes qu’ils ont essuyées, jusqu’à 2/3 des forces françaises étaient constituées de ceux qu’on dénommait « les soldats coloniaux de la France libre ».

De ceux qui ont survécu, des centaines d’entre eux seront de nouveau massacrés en automne 1944, très exactement le 1er décembre par la même France pour laquelle ils ont combattu et dont ils venaient de libérer. C’est ce qu’on a dénommé le massacre de Thiaroye. Leur unique péché c’est d’avoir osé demander le paiement de leurs soldes, au même titre que leurs co-combattants blancs. 78 ans plus tard, on n’oublie pas. Ces actes sont des crimes d’État. Ce sont des crimes contre l’humanité. Ils ne resteront pas impunis.